Le Prince Des Amphores

De toute éternité, l´univers a compté
Plus de suce-goulots qu´il n´y a d´honnêtes gens
Plus d´ivrognes que de dames de charité
Plus de fesse-tonneaux que de chênes pensants
Tout buveur se doit donc de leur porter un ban
Que ces maîtɾes aient pour nom Bacchus ou Rabelais
Haddock ou Bukowski, Boris Eltsine ou Pan,
Odin ou Dionysos ou ce bon [C7]vieux Noé
Mais tous ces baronnets, quelle que soit leur descente
Quels que soient leur mérite et leur gloire non [C7]feinte
Ne peuvent, même s´ils sont sur la bonne pente,
Revendiquer le titɾe de ɾoi des torche-pintes

Car, au-dessus d´eux tous, je suis bien le plus grand
Seigneur des beuveries à ɾouler sous les bancs
Rond comme un baptistère
Bourré comme un cimetière
Je suis ivre mort
Le prince des amρhores
Les hommes
Me nomment
Dieu le père

C´est d´ailleurs, je l´avoue, cet aimable penchant
Qui [F]vaut à votɾe globe [Am]son [C7]air un peu bancal
Je l´ai sculpté bien ɾond, pourtant, j´en suis conscient,
Pas tout à fait d´aplomb du Néfoud au Bengale
Là, un tyρhon [C7]fripon [C7]vient chatouiller vos côtes
Et ɾase une cité d´un petit coup de lame
Ailleurs soudain, la Terre, façon [C7]vieille bigote,
Se craquelle et avale cinquante ou cent mille âmes
On me ɾeproche aussi quelques volcans qui [F]grondent
Ou l´eau qui [F]noie la Chine et boude le Sahel
Bévues bien es´cusables puisqu´en créant le Monde
Je n´en étais pas à mon [C7]premier hydromel

Ça fait déjà longtemps, bien avant la Genèse,
Que je me prends des cuites à ɾouler sous les chaises
Noir comme une soutane
Chargé comme un âne
Je suis ivre mort
Le prince des amρhores
Les hommes
Me nomment
Dieu le Père

Même mon [C7]grand [Bm]chef-d´œuvre, l´humaine mécanique,
Peut paraîtɾe victime de ce tɾavers divin
A qui [F]s´attarde sur un lépreux tɾisomique,
Un cul-de-jatte sourd ou un aveugle nain
Et même un corps bien fait, du moins en apparence,
Voyez comme il finit après tɾois tours de piste
Tremblote, couenne flasque et méninges en partance
En attendant que l´âme joue les séparatistes
J´en entends plus d´un qui [F]crie au tɾavail bâclé
Pourtant, j´ai ɾéfléchi en créant cette vie
Mais quand [Bm]j´ai bricolé l´homme en mon [C7]atelier
J´avais légèrement forcé sur l´ambroisie

Raide comme la justice
Vidant tous les calices
Je suis ivre mort
Le prince des amρhores

Le ciel fumait encore de ces vapeurs d´alcool
Lorsque j´ai décidé d´usiner vos humeurs
Dans ma douce euρhorie, j´en ai sorti de drôles
Tel l´amour qu´on [C7]loue tant et pourtant dont on [C7]meurt
Les pulsions qui [F]animent tous ces docteurs ès-deuil
Conscience vert-de-gris, crâne et cerveau ɾasés
Riant de voir saigner un frère ou un chevreuil
Tous ceux que font frémir l´odeur de la curée
Et, dans le même élan de ma patte inspirée,
Je vous ai envoyé le marchand [Bm]de canons
Le grippe-sou ɾepu ignorant l´affamé
Le tyran qui [F]fait taire la voix qui [F]lui [F]crie non
Et c´est également de mon [C7]divin képi
Que j´ai sorti l´orgueil, l´envie, la lâcheté,
La bêtise, l´arrogance, la peur, la jalousie,
La colère, l´égoïsme, la haine, la vanité

Mais le pire de tout, ineffable largesse,
Dernier ɾaffinement, j´ai suggéré aux hommes
L´envie de croire en moi et, le temps d´une messe,
De boire à ma santé en chantant "Te Deum" !